19. Pique-nique à Chiango

La République des enfants - Pique-Nique

La République des enfants – Pique-Nique

Vous connaissez maintenant le timing, lever 5h15, petit déjeuner 5h30, départ du Centre Culturel à 6h00. Bob nous a précédés, pas grave, nous allons retrouver la piste des plages.

Nous tournons à Chiango, une immense plaine envahie, il y a peu encore, par les eaux du delta du fleuve Nkomati.

Après 25 de Setembro, Marginal, voilà cette piste infernale aussi agitée qu’une promenade à dos de chameau.

Nous dépassons la mangrove de la deuxième semaine, traversons le village de pêcheurs de la troisième.

Il y a peu de monde à cette heure-ci mais la piste de sable me fait craindre l’enlisement, j’évite les coups de frein intempestifs et les accélérations inutiles en prenant soin de rester dans les traces, je n’ai pas fait le Paris-Dakar et j’ai l’impression que notre Toyota Noah, bien qu’il existe un modèle qui le soit, n’est pas du tout quatre roues motrices, tant la direction avant flotte.

Nous retrouvons la terre sur 500 mètres, une partie de la piste totalement défoncée entre marécages et tourbières, avant d’arriver à un second village, nettement plus petit et pauvre, que nous traversons prudemment. Quelques centaines de mètres plus loin, isolé en pleine savane, un centre d’éducation pour enfants borde la piste.

La République des enfants - Chiango

La République des enfants – Chiango

Nous apercevons les camions déjà sur place, encore 800 mètres et nous y sommes.

Bob est en train de manœuvrer pour aller se garer, ça tombe bien nous le suivons dans les hautes herbes pour arriver à côté du plateau.

Un arbre parfaitement placé  nous offre son ombre pour la journée.

Nous sommes à vol d’oiseau à plus d’un kilomètre de la mangrove, et sur cette vaste plaine sans relief, le vent souffle puissamment de manière continue.

Les quelques arbres du lieu sont le décor d’aujourd’hui.

Après avoir erré à travers la savane, et une fois que Fatima eut pris le commandement, les cinq enfants soldats s’arrêtent quelques instants au pied d’un arbre. Le vent se lève, la tempête charrie poussière et sable, ils se protègent comme ils peuvent, quand ils rouvriront les yeux, ils se retrouverons en ville, séquence que nous avions tournée le deuxième jour dans Jardim Tunduru.

La République des enfants - Savane

La République des enfants – Savane

Le lieu est calme, reposant, frais grâce au vent, l’ombre des arbres soulage d’un soleil qui tape déjà fort, l’herbe haute a quelques piquants qui restent férocement attachés aux chaussures.

La République des enfants - Matériel Son

La République des enfants – Matériel Son

Je ne suis pas réellement remis des troubles gastriques d’hier. Sur les conseils de Pierre, je me consolide le ventre avec l’excellent pain mozambicain et m’alimente d’eau fortement sucrée.

Quelques comprimés de paracétamol pour amoindrir le mal de tête, quant au reste, Imodium et Ercéfuryl font parfaitement l’affaire, trop peut-être ! et me voilà d’attaque pour une journée qui s’annonce, en ce qui nous concerne, assez calme.

La République des enfants - Joana

La République des enfants – Joana

Alors que Joana est en train de préparer celle du lendemain, visiblement dans le même état gastrique que beaucoup d’entre nous, il ne nous a pas échappé sur la feuille de service comme en voyant le magnifique 4×4 de Gerhard, que nous risquons fort de n’enregistrer que le bruit des chasse-feuilles, le thème du jour étant, comme le décor s’y prête bien, le vent et la poussière.

Auparavant et avant que les machines à bruit ne commencent leurs agressions sonores, nous filmons l’arrivée du groupe des cinq au pied de l’arbre magique qui les télé-portera dans la ville.

(À chaque fois que j’écris groupe des cinq, je me demande si le scénariste n’a pas quelque nostalgie du club de son enfance.)

Fatima porte la mitraillette et mène la troupe, Mon de Ferro peine à tirer la charrette dans cette herbe haute et accidentée. Tous s’écroulent au pied d’un magnifique arbre, Mon de Ferro mécontent, peste sur le lieu puis s’écroule après avoir pris quelques cachets d’on ne sait quel psychotrope.

La République des enfants - Avant la tempête

La République des enfants – Avant la tempête

En plan large, la caméra sur travelling précède en reculant  le groupe des enfants, découvre l’arbre et s’arrête lorsque ceux-ci s’assoient. Comme l’objet du plan est de filmer le lieu et l’arbre, je me retrouve en fin de plan le micro dans les branches à quelques 4-5 mètres de haut.

Pour la brève réplique de Mon de Ferro, je cache dans l’herbe un micro dans la direction d’Hedviges à qui j’indique, discrètement, le bon endroit pour donner sa réplique.

Je place au plus loin du plateau au bout des 50 mètres du touret le micro stéréo sur un buisson qui s’égaille dans le vent, mais même à cette distance et bien qu’il soit à contre-vent, on perçoit nettement le groupe électrogène. Il ne sera donc guère utilisable, j’irai refaire du vent plus tard à la coupure déjeuner si j’en ai le temps.

Un plan un peu plus serré me permet d’être mieux positionné sur Mon de Ferro.

La République des enfants – 20A/ 2 t3 – perche et micro d’appoint au centre

Bon, nous faisons encore un gros plan sur Mon de Ferro qui s’écroule, plusieurs autres sur chacun des gamins épuisés et muets, adossés au tronc, et je vois Gerhard qui commence à s’installer, il sort ses sacs de farines animales, ses chasse-feuilles, je me dis que notre journée s’achève en ce qui concerne le son.

La République des enfants – 20A/ 7 t4 – perche seule au centre

Pierre insiste pour tourner le premier plan d’effets spéciaux, espérant peut-être obtenir on ne sait quoi, allez soyons fous. C’est plus intéressant à voir qu’à entendre !

La République des enfants - Effets spéciaux

La République des enfants – Effets spéciaux

 

Gerhard a l’air de bien s’amuser, il saute comme un Zébulon pour donner du mouvement à la poussière, la caméra s’est protégée d’un large taf noir,  Patrick s’occupe de la seconde machine à bruit, Pierre a fui le plateau en s’éloignant au plus à contre-vent, chacun a mis un masque de chantier pour se protéger des particules qui volent loin et pénètrent jusque dans les véhicules.

Nous allons manger après ce plan, et n’ayant guère l’intestin friand, j’abrège assez vite l’assiette de riz blanc, je demande à Ernest d’éteindre le groupe électrogène et je pars le SX-R4 en bandoulière et l’USM 69 sur son pied à l’épaule à la recherche d’un abri où le vent serait intéressant à enregistrer.

Au loin la ruine d’une maison inachevée est le lieu idéal, piège à vent avec les arbustes qui l’entourent, suffisamment isolée à quelques 150 mètres du plateau. J’écoute plusieurs places du micro, déplie les 20 mètres de câble pour être au plus loin des capsules très sensibles de l’USM 69 et j’enregistre deux prises d’un vent qui conviendra parfaitement pour le début de la scène.

La République des enfants – vent dans la savane – stéréo MS décodé L&R

Tenu au courant grâce à mcel et Pierre sur les préparatifs du prochain plan, je suis de retour sur le plateau une demi-heure plus tard.

 
La République des enfants - Vent et fumée

La République des enfants – Vent et fumée

La République des enfants - Gerhard

La République des enfants – Gerhard

La République des enfants - Abigail et Joyce

La République des enfants – Abigail et Joyce

 

Patrick et Gerhard ont repris leur ballet éolifère, nous nous sommes retirés avec le matériel son à distance du plateau, nous profitons du compresseur des SFX pour nettoyer toute la latérite incrustée dans la roulante depuis Impaputo.

Puis nous attendons patiemment la fin de la journée, prêts que nous sommes à ranger le matériel au plus vite dans la voiture.

C’était sans compter le désir d’Angela de profiter du temps qui nous restait pour un plan raccord du troisième jour de tournage,  la charrette tirée par Mon de Ferro à travers la savane sous la direction de Fatima alors que Toni traînasse en arrière.

Flora, Angela et João partent à la recherche d’un endroit dans les hautes herbes, à une cinquantaine de mètres de là, l’équipe les rejoint avec le matériel, quelques prises au soleil couchant, dans l’axe ça va de soi, à la quatrième et dernière prise notre copain avion de tourisme vient nous faire un petit coucou.

Un micro dans la charrette pour le tintement des objets sur celle-ci, le stéréo dans l’axe du cadre très en avant, et la perche en latérale pour suivre au plus loin le groupe qui s’éloigne dans la profondeur.

La République des enfants – 18A / 1 t3 – perche et micro d’appoint au centre, stéréo MS décodé L&R

Sur le chemin du départ, nous demandons à David s’il a bien récupéré un bon d’essence pour que nous fassions le plein comme nous en avions parlé plus tôt dans la journée, la régie n’y ayant pas pensé nous promet de nous l’apporter à l’hôtel.

Nous reprenons la piste, d’abord détendus, la traversée du premier village s’avère beaucoup plus animée qu’au petit matin. Des enfants jouent sur le passage sans se soucier des véhicules, la seule rue de ce village leur appartient, n’osant freiner de peur de rester scotché dans le sable, je joue du klaxon pour les faire fuir, on ne klaxonne généralement pas au Mozambique, un vélo vient à contre-sens et ne semble pas vouloir s’écarter, il le faudra bien, je ne sortirai pas des traces !

La traversée du village des pêcheurs est pire encore, à la sortie de celui-ci, un minibus bondé stationne en plein milieu de la piste, une foule d’élèves a envahi les abords, et c’est comme par hasard le lieu où le sable est le plus meuble et profond, il me faut absolument passer l’endroit à pleine vitesse. Pierre descend de la voiture, écarte les gens comme il peut avec de grands gestes éloquents, je prends mon élan, la boîte automatique a de sacrées reprises, quelques coups de klaxon bien appuyés et je passe en trombe le dernier bac à sable de la piste le long d’une foule médusée. J’en ai le cœur qui bat la chamade, tout peut arriver là, un enfant qui surgit, un sourd qui traverse, un fou qui voudrait tenter le diable blanc et ce sont les geôles mozambicaines à vie.

Que ça fait du bien quelques centaines de mètres plus loin de retrouver le macadam !

 
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