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Maputo – Infulene
Il est prévu que nous allions tourner neuf jours dans le décor de l’hôpital à Infulene. Sans itinéraire, nous n’avons aucune indication d’où se trouve cet endroit.
Après les quelques minutes nécessaires à attendre que le minibus caméra soit au complet, nous partons vers six heures du matin et suivons donc notre poisson pilote Bob au plus près.
En passant devant le décor de la menuiserie, nous pensons un instant que nous allons dans l’hôpital qui lui fait face. En fait nous nous engageons sur la terrible Avenida de Moçambique que prolonge la route EN1 que nous avions empruntée pour aller à la plage de Macaneta. La feuille de transport prévoit 45 minutes, ça ne doit donc pas être la porte à côté.
La route commence par une petite portion à quatre voies séparées, ça file assez vite. Nous croisons un premier rond-point très encombré d’où partent de nombreux minibus, le trafic est chargé à cette heure-ci, la foule envahit l’espace jusque sur la chaussée. La route s’est rétrécie, le sens inverse, vers Maputo, est quasiment saturé, tous les cent mètres un minibus débouche du bas-côté pour s’immiscer dans la circulation.
Nous longeons l’aéroport sur son côté Ouest, à notre gauche des kilomètres de township défilent où une population dense s’active. Un peu plus loin, nous passons un carrefour totalement congestionné de minibus, de camions immenses et de voitures qui forcent le passage. Avant le rond-point suivant, des travaux ralentissent encore un peu plus le flot. Enfin, subitement, la route devient parfaitement lisse et dégagée, nous pouvons filer et, bientôt, nous voilà devant l’hôpital Infulene dont l’entrée se situe juste après une passerelle pour piétons.
Une dizaine de kilomètres qu’il nous aura fallu 1/2 heure pour parcourir. Penser qu’il va falloir faire encore 17 fois ce trajet nous démoralise déjà !
La République des enfants – Circulation sur EN1
Difficile d’être motivé après une nuit de fièvre et de vertiges. Je prends la route à reculons si je puis dire.
Au cours du trajet, nous apercevons une voiture blanche littéralement enroulée autour d’un arbre, en plein village.
C’est le premier accident que je vois dans ce pays et celui-là a dû être terrible.
Entre les minibus ou camions qui débouchent sans prévenir, les voitures qui doublent à des vitesses incroyables entre deux files, obligeant à se rabattre d’urgence sur le bas-côté, je suis surpris de ne pas en avoir vu plus.
Malgré ma forte envie d’arriver vite pour repartir encore plus vite, je lève un peu le pied et redouble de vigilance. Nous sommes partis un peu après Bob et avec la voiture puissante que la production nous a louée, je pourrais être tenté d’appuyer un peu trop, d’autant plus que nous ne transportons plus une bonne partie du matériel.
La République des enfants – Savane et USM 69
C’est ainsi que la feuille de service qualifie ce retour à Chiango.
Mais pour ma part, après huit jours de route EN1 et d’asile de fous, reprendre la piste de Chiango pour retourner sur le décor de la savane est un véritable plaisir.
Descendre Samora Machel, tourner à gauche sur 25 de Setembro, parcourir tout Marginal sur Costa do Sol, continuer tout droit pour prendre la piste, passer le village des pêcheurs puis le second hameau, nous voilà arrivés après la zone de tourbière et le petit canal.
À l’entrée du village des pêcheurs, un goulot d’étranglement ne laisse place qu’à un seul véhicule, le camion électro est bloqué là au milieu du chemin, enlisé profondément dans le sable.
Les bas-côtés sont totalement creusés, meubles, mais c’est la seule alternative possible. Un 4 x 4 y passe avant nous sans difficulté.
Je suis moins téméraire. Je fais marche arrière pour laisser la place aux véhicules qui arriveraient et nous réfléchissons à la meilleure façon de franchir cet obstacle avec notre Toyota Noah qui n’est pas tout terrain. Il faut prendre un maximum d’élan, foncer aussi vite que possible bien droit pour ne pas risquer de planter le train avant. Pierre descend pour écarter la foule déjà nombreuse à cette heure pourtant matinale.
La République des enfants – Enfants de Mafalala
Il aura fallu attendre six semaines avant que nous ne tournions dans ce qui caractérise l’agglomération de Maputo, ses immenses quartiers périphériques qui entourent la ville haute sur des kilomètres, le véritable habitat de la population pauvre de la capitale.
Mafalala est un de ces quartiers qui longent la route menant à l’aéroport.
Sans être à proprement parler des townships, ce mot évoque la ségrégation raciale en Afrique du Sud, ni vraiment des bidonvilles, ces quartiers sont extrêmement denses, l’habitat est un mélange de maisonnettes en dur et de baraques de bois et tôles ondulées.
Un habitat qui pourrait apparaître précaire donc mais dans lequel vit la majorité de la population de Maputo depuis des décennies.
Les rues de terre et de sable sont étroites, et si l’on n’a pas le sens de l’orientation, il est facile de se perdre dans des passages labyrinthiques.
Les voitures y sont rares, l’eau est le plus souvent tirée de pompes communes, le mode de vie est calqué sur celui des campagnes, avec la cour comme élément central autour de laquelle s’articulent la vie sociale et les occupations de la journée.
Maputo – Vive l’Indépendance Nationale
Je ne sais pas si c’est par défi, inconscience, aveuglement, irrespect ou mépris que la production portugaise a décidé de tourner le jour du 35ème Anniversaire de l’Indépendance Nationale de son ancienne colonie, le Mozambique.
Cette nuit fut celle qui précède la tempête car nous avons été prévenus qu’il y aura de la musique et des festivités jusqu’à l’aube de la suivante.
Officiellement, le son est convoqué ce matin à dix heures. La veille Angela nous a spécifié que les premiers plans seront muets car tournés sur la plage avec un quad, si bien qu’elle nous a gentiment accordé grasse matinée jusqu’à midi.
À neuf heures du matin, je suis appelé en urgence par Yardena car la voiture, toujours stationnée Rua da Radio alors que les camions sont déjà partis, doit quitter les lieux. Elle me conseille de la garer sur le parking du Rovuma et elle me laisse là à me débrouiller tout seul avec les milliers de flics qui bouclent le quartier.
La République des enfants – Flora, Pierre, João, Abigail
Dernier jour de tournage.
Après une bonne nuit de repos, enfin, nous nous retrouvons tous un peu après six heures du matin devant la caserne des pompiers de Maputo, sur Avenida Eduardo Mondlane, face au cimetière. Ce parking servira de base de départ pour les plans que nous avons à tourner sur la benne d’un camion de chantier.
Car dans la République des Enfants, il n’y a pas de voiture mais il y a deux camions ! Le rouge que nous avions vu lors du carnaval et qui servait de tribune, et ce bleu-là muni d’un haut parleur qui sert de véhicule d’alerte.
Ce second camion est une antiquité comparé à l’autre, la benne est en partie rouillée, il y a encore du sable dans les recoins, la carrosserie brinqueballe de tous côtés, le moteur est en piteux état avec une boîte de vitesses défectueuse qui ne dépasse pas la seconde.
Cela a son importance car nous avons à filmer sur cette benne un courte scène de texte.
Ce dernier lundi à Maputo est consacré au rangement du matériel. Les camions doivent en effet reprendre la route de l’Afrique du Sud dès demain matin.
L’équipe image, caméra, électricité, machinerie, que nous n’avions pas vue hier à la fête de fin de tournage, João, Silene, Inês, Manuel, Paulo, s’occupe de son matériel avec ses assistants mozambicains sur les trottoirs de la cathédrale, là où les camions se sont garés pour la nuit.
Pour notre part, bien que la production n’ait plus ses bureaux au Centre Culturel, nous profitons une dernière fois de la cour privée du CCFM dans laquelle nous avions laissé, pendant toute la durée du tournage, nos deux malles Zargal en aluminium et nos cinq cantines Pierre Henry en fer.
Avec les quelques pluies tropicales qu’elles ont essuyées, la rouille a commencé à attaquer les plus vieilles. Un peu d’eau au fond de certaines me fait regretter de ne pas avoir jeté sur la pile des malles une bâche qui les eût protégées quelque peu.
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