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Lever 4h45. Petit déj. 5h15, départ hôtel 5h40 !
La nuit a été un peu agitée, habituel à la veille d’un premier jour, même après plus de 100 films tournés.
L’hôtel a gentiment accepter d’ouvrir la salle de restaurant dès 5h00 du matin, pendant toute la période du tournage, avec un cuisinier, un chef de salle et un serveur. Cela nous permet de pouvoir profiter d’un véritable repas complet, un point capital vue l’amplitude de travail proche de 12h00, et un repas à la cantine pas avant 12-13h00.
Nous quittons l’hôtel à 5h40 pour être à 5h45 dans le camion caméra stationné en toute sécurité dans le parking privé du Centre Culturel. Bob est bien sûr à son poste, le moteur tourne.
La République des enfants – Conseils des Ministres adultes
Bien que le matériel soit déjà en grande partie sur place, et la lumière somme toute à peine différente de la veille, un peu moins forte du dehors, un peu plus vive à la face, ce n’est pas avant 10h00 que nous tournons le premier plan de la journée alors que nous étions sur place dès 6h00 du matin. C’est long, très long, très très long, trop long !
Le Conseil des Ministres des adultes, au début du film, est le pendant de celui des enfants (ou l’inverse plus exactement).
Ici, la langue de bois est reine, les ministres s’invectivent, chacun défendant son propre intérêt, personne ne prête attention à Dubem, indifférent à toute cette agitation, et qui observe la ville par la fenêtre.
Le plan commence donc serré sur Dubem songeur, et lorsqu’il décroche de ses pensées pour rejoindre sa place, à gauche du Président, la caméra recule pour englober en plan très large la vaste salle du Conseil.
La République des enfants – A l’aube
Comme mardi dernier, nous voilà de retour en direction de Costa do Sol. Bob est parti un quart d’heure plus tôt, si bien que nous prenons la route seuls, le trajet est connu, Samora Machel, 25 de Setembro, Marginal le long de la côte.
Au début de celle-ci, il y deux endroits délicats pour qui n’est pas habitué à rouler à gauche, deux embranchements en fourchette, avec 4 directions imbriquées possibles, deux en sens inverses, deux dans le bon sens. Se tromper implique, dans le meilleur des cas de remonter vers le centre ville, dans les autres cas de se retrouver face à face avec d’autres véhicules. Heureusement, Pierre, veille et m’indique la bonne file.
Notez que les indications de sens de circulation sont faux sur Google Map, avec leur hégémonie western-centrique, ils ont oublié que le Mozambique roulait à gauche.
Pas d’itinéraire sur la feuille de service, Yardena nous a simplement indiqué que le décor est plus loin que la plage de la semaine dernière, il faut continuer la piste, une personne de la régie sera à l’entrée du premier village que nous allons croiser pour nous indiquer le chemin.
On aurait préféré un lieu plus sympathique pour un dimanche matin six heures. La bonne nouvelle c’est qu’après ce soir nous ne reviendront plus dans cette menuiserie déprimante.
Il fait froid, des nuages lourds et gris envahissent le ciel, quelques gouttes sont déjà tombées. Chacun a sorti ses vêtements de pluie, je passe une veste polaire, le parasol de la roulante fait office de parapluie, nous tournons en effet à l’extérieur, sur le terrain vague devant la menuiserie. Au moins le soleil ne créera-t-il pas de problème d’ombre de perche !
C’est une journée de figuration qui nous attend. Peu de texte mais de jolis sons à enregistrer. Le décor ne s’y prête malheureusement guère. La circulation sur l’EN2 est continue et intense.
La République des enfants – Pique-Nique
Vous connaissez maintenant le timing, lever 5h15, petit déjeuner 5h30, départ du Centre Culturel à 6h00. Bob nous a précédés, pas grave, nous allons retrouver la piste des plages.
Nous tournons à Chiango, une immense plaine envahie, il y a peu encore, par les eaux du delta du fleuve Nkomati.
Après 25 de Setembro, Marginal, voilà cette piste infernale aussi agitée qu’une promenade à dos de chameau.
Nous dépassons la mangrove de la deuxième semaine, traversons le village de pêcheurs de la troisième.
Il y a peu de monde à cette heure-ci mais la piste de sable me fait craindre l’enlisement, j’évite les coups de frein intempestifs et les accélérations inutiles en prenant soin de rester dans les traces, je n’ai pas fait le Paris-Dakar et j’ai l’impression que notre Toyota Noah, bien qu’il existe un modèle qui le soit, n’est pas du tout quatre roues motrices, tant la direction avant flotte.
La République des enfants – Pierre et Rovuma
Il est bien agréable parfois de travailler à quelques pas de son domicile.
Le tournage a réinvesti la place de l’Indépendance, en particulier le grand escalier de l’Hôtel de Ville de Maputo et plus tard dans la journée les escaliers monumentaux de la place.
Le temps est assez frais ce matin, agréable après les grosses chaleurs que nous avions connues sur la piste de Chiango. Quelques nuages viennent même parfois masquer le soleil ce qui ne sera pas sans problème pour la lumière.
C’est le début du film, avant et après le Conseil des Ministres adultes.
Avant, c’est Nuta qui arrive au Palais pour y apporter les vêtements cousus pas sa grand-mère, là elle y rencontre Chico, le vendeur de mangues, que Nuta mène par le bout du nez.
Après c’est la débandade et la fuite des officiels du Palais, ainsi que celle de la population qui coure en tout sens sur la grand place.
La République des enfants – Place du Palais
Depuis plusieurs jours, Flora évoquait l’idée d’une avalanche de fruits dévalant le grand escalier du Palais. Une allusion évidente au film d’Eisenstein, greffé du symbolisme d’une corne d’abondance qui se tarit.
Une idée en l’air qui deviendra défi puis réalité.
Mais revenons avant tout au début de la journée, continuation laborieuse des plans de la foule fuyant la ville sur la grande place au pied du Palais.
En ce dimanche matin, la Place de l’Indépendance, faisant face à l’Hôtel de Ville de Maputo, est à nouveau totalement bloquée pour les besoins du tournage.
Nous avons 80 figurants, des enfants, des adultes, des vieillards, des femmes portant bébé dans le dos, quelques charrettes et animaux, deux ou trois voitures ou minibus, c’est une Afrique moderne et traditionnelle, riche et pauvre qui se côtoie dans la panique, une foule qu’Angela, Dino et Cossa vont faire courir, tomber, pleurer, crier tout au long de cette matinée.
Infulene – Dépôt de munitions
Du haut de la passerelle qui enjambe la route EN1 face à l’hôpital où nous tournons, on aperçoit au loin une immense zone arborée non construite et totalement enclavée dans les townships.
Vue du ciel, celle-ci est encore plus mystérieuse, on y distingue des traces qui évoquent les géoglyphes de l’antique civilisation Nazca au Pérou.
C’est en fait un terrain militaire totalement bouclé et sécurisé, un ancien dépôt d’armes et munitions construit par les soviétiques en 1984 à l’époque de la guerre civile qui ensanglanta le pays de 1977 à 1992.
Le 22 mars 2007, l’ensemble du dépôt explose.
Pendant quasiment trois heures, les munitions, roquettes, bombes et armes de toutes natures illuminent le ciel de Maputo, réchauffant l’atmosphère à des kilomètres à la ronde, causant une centaine de morts et plusieurs centaines de blessés.
La République des enfants – Les cols blancs jacassent
Dernier jour de la semaine pour terminer la séquence du carnaval commencée hier dans Rua do Bagamoyo.
Pour éviter les fêtards tardifs des night-clubs environnants, le tournage commence un peu plus tard ce dimanche matin. Le son n’est convoqué qu’à sept heures et lorsque nous arrivons, le décor est déjà en place.
Un décor qui présente une infime nuance par rapport à celui d’hier. En effet, il nous est expliqué que certains éléments de décoration de la tribune sur le camion n’auraient pas plu à l’image, les trois derniers plans de la journée sont donc à retourner sans ceux-ci.
La raison officielle évoquée me semble tellement mineure et futile que je suspecte qu’il y en ait une autre beaucoup plus grave, mais je n’en dirai pas plus.
La République des enfants – Patrick et Joachim
Hier nous étions rapidement rentrés à l’hôtel pour profiter au plus vite d’un repos réparateur car ce matin nous commençons à l’aube, enfin presque, à sept heures.
C’était sans compter les préparatifs de la fête de l’Indépendance sur la place du même nom au pied de l’hôtel. Je ne sais pourquoi les ouvriers sont toujours en train de taper du marteau, décidément leurs échafaudages paraissent bien complexes à monter.
Le pire sont les gars de la sono qui se sont mis en tête de faire leur balance des volumes la nuit et, jusqu’à une heure du matin, ce fut techno et rock à fond d’ampli.
Comme les vitres de l’hôtel sont plus que légères, non doublées, le niveau sonore dans les chambres était quasiment équivalent à celui d’une boîte de nuit. J’ai donc passé la nuit sur un matelas de fortune installé dans la salle de bain, avec la double porte, j’ai enfin pu dormir quelques heures.
Maputo – Vive l’Indépendance Nationale
Je ne sais pas si c’est par défi, inconscience, aveuglement, irrespect ou mépris que la production portugaise a décidé de tourner le jour du 35ème Anniversaire de l’Indépendance Nationale de son ancienne colonie, le Mozambique.
Cette nuit fut celle qui précède la tempête car nous avons été prévenus qu’il y aura de la musique et des festivités jusqu’à l’aube de la suivante.
Officiellement, le son est convoqué ce matin à dix heures. La veille Angela nous a spécifié que les premiers plans seront muets car tournés sur la plage avec un quad, si bien qu’elle nous a gentiment accordé grasse matinée jusqu’à midi.
À neuf heures du matin, je suis appelé en urgence par Yardena car la voiture, toujours stationnée Rua da Radio alors que les camions sont déjà partis, doit quitter les lieux. Elle me conseille de la garer sur le parking du Rovuma et elle me laisse là à me débrouiller tout seul avec les milliers de flics qui bouclent le quartier.
La République des enfants – Sur la piste
Il fait nuit noire. La Lune nous a abandonnés. Il faut suivre le minibus caméra, il faut suivre notre poisson-pilote. Il ne faut surtout pas le lâcher, nous nous perdrions dans les townships.
D’abord regarder à droite, ensuite à gauche, à droite, à gauche. Quand on tourne à droite, il faut aller au fond du carrefour. À droite, au fond, à gauche, tout de suite. Ça tourne, moteur, action.
Nous suivons. La ville est déserte, abandonnée, Samora Machel dévastée est jonchée de débris, sur la place de l’Indépendance, quelques voitures fument encore, partout des fruits écrasés ont bariolé la grisaille du macadam.
Le vent balaye une poussière rouge que la faible lumière des lampadaires n’arrive pas à percer.
À gauche dans Jardim Tunduru, des huttes de paille brûlent les derniers grains de millet de la saison, la fumée tourbillonne dans la tempête qui rugit et apporte de loin le chant des enfants dans une classe d’école.
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