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La République des enfants – Siège du Palais Présidentiel
Profitant du week-end, « La République des enfants » a envahi l’Hôtel de Ville de Maputo pendant 4 jours. Pour pouvoir bénéficier au maximum d’une ville calme et déserte, contrainte imposée par le scénario, la production a organisé la semaine du mardi au dimanche. Avoir le lundi comme jour de congé n’est d’ailleurs pas une mauvaise idée, les commerces sont ouverts, la ville animée.
Cette nuit, les véhicules de tournage, y compris le minibus caméra et notre véhicule, avec tous leurs matériels de valeur, sont restés devant le Palais, gardés par deux solides gaillards en treillis gris, fusil à pompe avec munition de chasse à l’éléphant engagée dans le canon. J’ai toujours une appréhension en passant à coté de ces gars, sympathiques au demeurant, qui donnent parfois un coup de main à porter des caisses, mais un coup de fusil est si vite parti !
Il nous faut pas plus de cinq minutes, vers 6h00 du matin, pour passer du petit déjeuner au lieu de tournage. Il fait encore frais à cette heure-ci, un peu d’humidité couvre les vitres.
Pour monter le matériel jusqu’au décor, les deux roulantes, les pieds et perches, le stéréo, la valise du kit-cool, Jorge et Suleimane, l’assistant personnel de Flora, tous deux guinéens, nous donnent un coup de mains.
De toute façon, nous avons le temps, car il faut d’abord éclairer le décor.
La République des enfants – Conseils des Ministres adultes
Bien que le matériel soit déjà en grande partie sur place, et la lumière somme toute à peine différente de la veille, un peu moins forte du dehors, un peu plus vive à la face, ce n’est pas avant 10h00 que nous tournons le premier plan de la journée alors que nous étions sur place dès 6h00 du matin. C’est long, très long, très très long, trop long !
Le Conseil des Ministres des adultes, au début du film, est le pendant de celui des enfants (ou l’inverse plus exactement).
Ici, la langue de bois est reine, les ministres s’invectivent, chacun défendant son propre intérêt, personne ne prête attention à Dubem, indifférent à toute cette agitation, et qui observe la ville par la fenêtre.
Le plan commence donc serré sur Dubem songeur, et lorsqu’il décroche de ses pensées pour rejoindre sa place, à gauche du Président, la caméra recule pour englober en plan très large la vaste salle du Conseil.
La République des enfants – Désolation
Sixième et dernier jour de la semaine, nous sommes dimanche. Quand nous rejoignons le décor, ce matin à 6h00, la place de l’Indépendance est déserte, et pour cause, la régie avait dès 5h30 interdit les accès à celle-ci, en bloquant chaque rue et avenue y accédant au carrefour précédant. La déco doit en effet aménager la place pour les plans de l’après-midi.
Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si l’on avait fermé la place de la Concorde, interdit l’accès au pont du même nom, fermé les Champs Élysée à partir de Clémenceau, bloqué la rue Royale vers la Madeleine, et la rue de Rivoli à Saint Florentin.
Toutes proportions gardées parce que Maputo n’est d’abord pas aussi grande que Paris, mais surtout parce que Maputo est organisée sur un plan milésien (dit aussi hippodamien), un quadrillage de rues et d’avenues se coupant à angle droit, comme à Manhattan.
Il y a toujours un moyen de trouver une parallèle à l’itinéraire que vous auriez voulu prendre, il n’y a pas de points de passage obligés, comme dans la malcommode organisation parisienne, en étoile et cercles concentriques, dit plan radioconcentrique, où dès qu’un point névralgique est fermé, Étoile, Concorde, Châtelet, République, Bastille, Nation, on ne peut plus circuler.
C’est bien sûr mon caractère cartésien qui me fait préférer Maputo, New-York ou encore la Baixa Pombalina de Lisbonne à Paris.
Mais auparavant terminons donc la journée d’hier ! Car aujourd’hui nous allons faire du cinéma !
Attention, ce chapitre contient des images susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes, de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des moins de 12 ans.
En conséquence, veuillez activer le contrôle parental de votre ordinateur.
Ça tombe bien, aujourd’hui nous avons tous les enfants du tournage, les soldats et les républicains, dont la petite Sarah, six ans, le jeune Bruno, à peine huit ans, Maurice, onze ans. Le spectacle qu’on leur impose est pour le moins choquant.
La République des enfants – Trois
Chez le dentiste, chez votre médecin ou même à l’hôpital, les salles d’attente sont des lieux où par nature on s’embête.
Heureusement, il y a toujours un journal qui traîne pour faire passer le temps, un Paris-Match, un Gala ou un Voici, ces journaux de voyeur qu’il ne vous viendrait jamais à l’idée d’acheter en temps ordinaire, ou mieux un Okapi voire un Journal de Mickey qui vous replonge dans votre tendre enfance.
Mais aujourd’hui, là, dans cette salle d’attente du bloc Acácias de l’hôpital psychiatrique de Infulene, banlieue de Maputo, Mozambique, il n’y a rien.
Mais alors rien qui puisse vous donner envie d’y rester, pas même un vieil exemplaire du Monde qui eût comblé de joie Pierre !
La nuit porte conseil.
Le dernier plan de la journée d’hier est à refaire, les quatre prises de la veille iront directement dans le Bin Trash de Final Cut Pro. Nous allons donc faire ce plan autrement, selon l’idée de Flora.
Maputo – Vive l’Indépendance Nationale
Je ne sais pas si c’est par défi, inconscience, aveuglement, irrespect ou mépris que la production portugaise a décidé de tourner le jour du 35ème Anniversaire de l’Indépendance Nationale de son ancienne colonie, le Mozambique.
Cette nuit fut celle qui précède la tempête car nous avons été prévenus qu’il y aura de la musique et des festivités jusqu’à l’aube de la suivante.
Officiellement, le son est convoqué ce matin à dix heures. La veille Angela nous a spécifié que les premiers plans seront muets car tournés sur la plage avec un quad, si bien qu’elle nous a gentiment accordé grasse matinée jusqu’à midi.
À neuf heures du matin, je suis appelé en urgence par Yardena car la voiture, toujours stationnée Rua da Radio alors que les camions sont déjà partis, doit quitter les lieux. Elle me conseille de la garer sur le parking du Rovuma et elle me laisse là à me débrouiller tout seul avec les milliers de flics qui bouclent le quartier.
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