Anniversaires
Premier réveil au Mozambique après une nuit chaude mais calme et profonde.
Enfin une grasse matinée qui s’annonce tranquille.
Petit déjeuner tardif sur les coups de neuf heures, parfait, copieux, varié, si seulement les oeufs brouillés pouvaient être légèrement plus baveux et le bacon à l’anglaise, un véritable repas. L’immense salle de restaurant est assez agréable, n’étaient cette musique new age et ces sièges dans lesquels on est assis trop bas.
Le buffet offre tout ce que l’on peut désirer pour un véritable repas complet, de quoi se nourrir pour la journée.
Mais c’était sans compter les caprices de l’administration mozambicaine !
Il n’est pas dix heures que nous sommes appelés en urgence par la régie pour nous rendre au plus vite sur le lieu de stationnement des camions, à quelques pas de là, le long de la cathédrale Notre Dame de la Conception qui jouxte l’hôtel.
La douane qu’on espérait au mieux lundi, venait d’ouvrir les scellés, un soulagement pour la production qui pensait déjà devoir repousser le tournage d’un ou deux jours.
Du coup, la journée de samedi sera consacrée au déballage et à la préparation du matériel. Après tout, on est là pour ça !
Après avoir vérifié que nos huit colis, sept grosses malles et un sac de pieds et perches, sont bien présents, apparemment en état, et visiblement contrôlés par aucune douane, ceux-ci sont emmenés dans la cour privée du Centre Culturel voisin, au bas des bureaux de production.
Déballage des caisses, comptabilisation de chaque élément, contrôle de leur état, montage de l’excellente roulante diable Camagrip, légère et pliable, configuration du Cantar, des Cantarem, installation de l’iTak, montage du bloc HF de ma conception, puis du système Rik’Art, branchements généraux, essais rapides des micros et des HF, des systèmes d’écoute G2, vérification des couples stéréo MS Neumann et Schoeps, de l’enregistreur de secours SX-R4, inspection et essais des perches et pieds, et le tout est organisé et réparti en petites caisses ou, selon, dans la roulante de plateau à cinq tiroirs, prêt à tourner. Une bonne journée de préparation de matériel avec un repas rapide et convenable au snack du Centre.
Silene et Inês, première et seconde assistantes caméra, en font de même avec le matériel caméra dont les deux corps de RED ONE, caméra vidéo haute définition 4K, en vogue sur les long-métrages à budget réduit car, malgré un coût très bas, son capteur est vanté par de nombreux chef op. Réglages de quelques détails techniques de Time Code avec Silene qui émet quelques réticences sur la nécessité du Genlock, car sur cette caméra, le menu Genlock est dans le menu Shutter (obturateur). Prévoyant, j’avais pris soin de mettre sur notre eeePC le manuel de la Red. On finit par se mettre d’accord sur un réglage du Genlock à 1080p et un TC à 24 im/s, la caméra tournant à 24 et le projet de montage Final Cut devant aussi être à 24. Enfin, toujours sous la surveillance attentive de Silene qui couve ses caméras en mère poule, j’installe avec de la Velcro les boîtiers de synchro Denecke SB-T, voilà une bonne chose de faite et réglée pour la durée du tournage.
Visiblement nos sept malles intriguent la production ! Pourquoi tant de matériels, 400 kg, alors que la caméra en a facilement moins de la moitié ? Réponse évidente, mais que ne veulent jamais entendre les dir prod : pour être prêt à gérer toutes les situations sonores auxquelles nous auront à faire face. Et nous y sommes, prêts. En voyant le « camion caméra-son » qui arrive dans l’après-midi, je comprends mieux leurs interrogations, un antique minibus, autrefois aménagé pour une toute petite régie vidéo, l’espace de rangement est d’évidence impraticable pour y mettre à la fois le matériel image et le matériel son, dont nos deux roulantes, mais la production insiste pour qu’on s’arrange.
De bonne volonté, nous proposons quelques bricolages pour éventuellement tenter de faire rentrer le tout. Rendez-vous est pris pour lundi avec Bob, le chauffeur, et nous entreposons, en attendant, nos caisses dans les bureaux.
Il n’est pas dix-sept heures et il fait quasiment nuit, celle-ci est tombée en quelques instants. Nous sommes au début de l’hiver et Maputo est 2° au sud du Tropique du Capricorne. Le jour se lève vers six heures, la cité vit avec le soleil, cela donne à cette époque onze heures de lumière, efficacement mis à profit dans un pays où l’éclairage public est assez rare en dehors du centre de la capitale, souvent défaillant d’ailleurs, et l’électricité absente de certains townships et des campagnes.
Il est temps de se préparer ! Samuel, le chauffeur de Flora, organise une petite fête pour son anniversaire à son restaurant de plage, sur Costa do Sol. C’est lui-même qui nous y conduit, Flora, Ana la scripte portugaise parlant parfaitement le français, Pierre et moi-même, à quelques vingt minutes de l’hôtel en longeant la côte Est.
Ces restaurants de plage sont en fait de simples espaces préemptés (je doute qu’ils payent quelque patente que ce soit, un peu comme nos paillotes corses), les uns à coté des autres, avec un coin barbecue, quelques chaises et tables apportées les soirs d’ouverture, vendredi, samedi. A coté, un immense parking sert de boîte de nuit en plein air, les jeunes, adeptes de tuning – on a le culte de la voiture à Maputo – y viennent avec leurs autos rutilantes, surtout des 4×4 imposants, mettent l’auto-radio, ou plutôt la sono, à fond, et dansent et s’éclatent ainsi bruyamment à la bière jusqu’à pas d’heure.
De l’autre côté de la route, un imposant bâtiment, tout en longueur, c’est le véritable restaurant Costa Do Sol, endroit assez touristique, par la vue qu’il offre mais aussi par sa gastronomie de qualité.
Notre équipe au complet est plus calme, il fait nuit noire, on ne voit quasiment pas la mer, on ne l’entend pas non plus, c’est marée basse, des petits groupes se sont formés, les portugais entre eux, les français avec la mise en scène, la déco dans son coin, certains font l’effort d’aller de place en place.
Grillades, viandes et crevettes, beignets, délicieux, quelques légumes et gâteaux d’anniversaire, bières locales (2M, pour MacMahon, et Imperial, bière en fait portugaise) et Coca. Samuel est né le même jour que moi, un 6 mai, une année après moi. En mon for intérieur, je fête ainsi mon propre anniversaire, personne de la production n’y ayant songé.
Mano semble inquiète, un coup de fil vient de l’avertir que notre star américaine, Danny Glover, en provenance de San Francisco, a raté sa correspondance à Atlanta, et est revenu à son point de départ, ça commence mal ! Il faut lui trouver, en pleine nuit, un autre vol, le plus tôt possible, son premier jour de tournage étant jeudi. Je profite de son taxi pour m’éclipser avec elle, fatigué du voyage de l’avant veille et fourbu de la journée de préparation.
Le lendemain, nous aurons tous le tourista, non je blague, c’était excellent et fort bien préparé, à l’hygiène irréprochable et la joie des Mozambicains assez communicative.
Accessoirement, en France, c’est le jour de la Libération, mais à vrai dire, ici on s’en fout.
Joyeux anniversaires Samuel et John John.