Archive pour juin 2010
La République des enfants – Pique-Nique
Vous connaissez maintenant le timing, lever 5h15, petit déjeuner 5h30, départ du Centre Culturel à 6h00. Bob nous a précédés, pas grave, nous allons retrouver la piste des plages.
Nous tournons à Chiango, une immense plaine envahie, il y a peu encore, par les eaux du delta du fleuve Nkomati.
Après 25 de Setembro, Marginal, voilà cette piste infernale aussi agitée qu’une promenade à dos de chameau.
Nous dépassons la mangrove de la deuxième semaine, traversons le village de pêcheurs de la troisième.
Il y a peu de monde à cette heure-ci mais la piste de sable me fait craindre l’enlisement, j’évite les coups de frein intempestifs et les accélérations inutiles en prenant soin de rester dans les traces, je n’ai pas fait le Paris-Dakar et j’ai l’impression que notre Toyota Noah, bien qu’il existe un modèle qui le soit, n’est pas du tout quatre roues motrices, tant la direction avant flotte.
La République des enfants – Travelling
N’ayant pu faire le plein la veille en l’absence du bon d’essence, c’est un peu avant six heures que nous quittons le CCFM pour une halte à la station Total flambant neuve sur 25 de Setembro.
Bien que trois à quatre fois moins chère qu’en France, l’essence reste une denrée de luxe dans ce pays qui a connu des émeutes meurtrières en 2008 lorsque le gouvernement avait voulu en augmenter le prix. A cette époque, devant la pression de la rue, seul le diesel pour les minibus collectifs avait échappé à cette hausse.
Le bon d’essence signé, nous reprenons la route des plages.
Le décor du jour est encore plus loin sur cette piste que nous commençons à bien connaître. Après avoir dépassé la savane de la veille, nous continuons deux kilomètres dans des traces de plus en plus sableuses, où nous ne croisons qu’une ou deux maisons isolées.
La République des enfants – Sur le champ de mines
Nous avons deux jours pour réaliser la séquence 2 du film.
Après avoir quitté l’école en emmenant tous les enfants, quel que soit leur âge, le groupe de soldats et leur colonne d’otages arrivent dans une vaste zone désertique qui s’avère être possiblement un champ de mines.
En tête de colonne s’avance prudemment un des soldats les plus expérimentés, un pas en avant, arrêt, un autre pas, arrêt, à nouveau un pas, arrêt, encore un pas, arrêt, il avance avec une assurance indéfectible, même si chaque pas est une menace de mort.
Derrière lui, dans un ballet parfaitement réglé, chaque membre de la colonne en file indienne suit exactement le même rythme cadencé, en prenant soin de mettre précisément son pas dans la trace de celui qui le précède.
Quand le guide lève le pied droit, c’est toute la colonne qui lève le pied droit, quand il le pose, c’est toute la colonne qui le pose dans la marque précédente, quand il lève le pied gauche…
La République des enfants – Waldemar et Gerhard
Aujourd’hui nous allons en avoir plein les oreilles vue la quantité de poudre noire que Gerhard a mis hier dans les bourres.
Une grande journée d’effets spéciaux nous attend sur la piste de Chiango que nous prenons pour la dernière fois et qui mène au décor du champ de mines de la séquence 2 du film.
Mais auparavant, reprenons le fil de l’histoire où nous l’avions laissé hier.
Mon de Ferro, au mépris de tout danger, a remonté la colonne d’enfants, en dehors des marques, pour engueuler Fatima alors qu’elle donnait une banane à son bébé en pleurs.
C’est à ce moment là que Toni, en tête de colonne avec Tigre, annonce « Mine ! ». Mon de Ferro se précipite vers eux et leur ordonne d’avancer en les traitant de lâches puis s’en va courir au milieu des mines pour leur montrer à quel point il est invincible.
La République des enfants – Pierre et Rovuma
Il est bien agréable parfois de travailler à quelques pas de son domicile.
Le tournage a réinvesti la place de l’Indépendance, en particulier le grand escalier de l’Hôtel de Ville de Maputo et plus tard dans la journée les escaliers monumentaux de la place.
Le temps est assez frais ce matin, agréable après les grosses chaleurs que nous avions connues sur la piste de Chiango. Quelques nuages viennent même parfois masquer le soleil ce qui ne sera pas sans problème pour la lumière.
C’est le début du film, avant et après le Conseil des Ministres adultes.
Avant, c’est Nuta qui arrive au Palais pour y apporter les vêtements cousus pas sa grand-mère, là elle y rencontre Chico, le vendeur de mangues, que Nuta mène par le bout du nez.
Après c’est la débandade et la fuite des officiels du Palais, ainsi que celle de la population qui coure en tout sens sur la grand place.
La République des enfants – Place du Palais
Depuis plusieurs jours, Flora évoquait l’idée d’une avalanche de fruits dévalant le grand escalier du Palais. Une allusion évidente au film d’Eisenstein, greffé du symbolisme d’une corne d’abondance qui se tarit.
Une idée en l’air qui deviendra défi puis réalité.
Mais revenons avant tout au début de la journée, continuation laborieuse des plans de la foule fuyant la ville sur la grande place au pied du Palais.
En ce dimanche matin, la Place de l’Indépendance, faisant face à l’Hôtel de Ville de Maputo, est à nouveau totalement bloquée pour les besoins du tournage.
Nous avons 80 figurants, des enfants, des adultes, des vieillards, des femmes portant bébé dans le dos, quelques charrettes et animaux, deux ou trois voitures ou minibus, c’est une Afrique moderne et traditionnelle, riche et pauvre qui se côtoie dans la panique, une foule qu’Angela, Dino et Cossa vont faire courir, tomber, pleurer, crier tout au long de cette matinée.
Maputo - Ebano Filmes sur Zimbabwe
Ce lundi matin, je suis pris au pied du lit pour régler un problème en France et il me faut aller au bureau pour cela.
Depuis le début du mois, l’administration du film s’est installée dans les locaux de Ebano Filmes, la production exécutive mozambicaine dirigée par le très sympathique Pedro.
Les locaux sont assez loin de l’hôtel, dans le quartier des ambassades, sur Avenida do Zimbabwe. C’est simple, de l’hôtel il suffit de remonter tout Lenine jusqu’à Parça de Omm, tourner à droite sur Avenida Kenneth Kaunda, puis à gauche sur Rua de França et tout de suite à droite.
N’osant prendre seul la voiture, sans permis local, j’appelle Luisa qui nous sert de taxi privé et qui m’y emmène rapidement.
Maputo – Infulene
Il est prévu que nous allions tourner neuf jours dans le décor de l’hôpital à Infulene. Sans itinéraire, nous n’avons aucune indication d’où se trouve cet endroit.
Après les quelques minutes nécessaires à attendre que le minibus caméra soit au complet, nous partons vers six heures du matin et suivons donc notre poisson pilote Bob au plus près.
En passant devant le décor de la menuiserie, nous pensons un instant que nous allons dans l’hôpital qui lui fait face. En fait nous nous engageons sur la terrible Avenida de Moçambique que prolonge la route EN1 que nous avions empruntée pour aller à la plage de Macaneta. La feuille de transport prévoit 45 minutes, ça ne doit donc pas être la porte à côté.
La route commence par une petite portion à quatre voies séparées, ça file assez vite. Nous croisons un premier rond-point très encombré d’où partent de nombreux minibus, le trafic est chargé à cette heure-ci, la foule envahit l’espace jusque sur la chaussée. La route s’est rétrécie, le sens inverse, vers Maputo, est quasiment saturé, tous les cent mètres un minibus débouche du bas-côté pour s’immiscer dans la circulation.
Nous longeons l’aéroport sur son côté Ouest, à notre gauche des kilomètres de township défilent où une population dense s’active. Un peu plus loin, nous passons un carrefour totalement congestionné de minibus, de camions immenses et de voitures qui forcent le passage. Avant le rond-point suivant, des travaux ralentissent encore un peu plus le flot. Enfin, subitement, la route devient parfaitement lisse et dégagée, nous pouvons filer et, bientôt, nous voilà devant l’hôpital Infulene dont l’entrée se situe juste après une passerelle pour piétons.
Une dizaine de kilomètres qu’il nous aura fallu 1/2 heure pour parcourir. Penser qu’il va falloir faire encore 17 fois ce trajet nous démoralise déjà !
La République des enfants – Circulation sur EN1
Difficile d’être motivé après une nuit de fièvre et de vertiges. Je prends la route à reculons si je puis dire.
Au cours du trajet, nous apercevons une voiture blanche littéralement enroulée autour d’un arbre, en plein village.
C’est le premier accident que je vois dans ce pays et celui-là a dû être terrible.
Entre les minibus ou camions qui débouchent sans prévenir, les voitures qui doublent à des vitesses incroyables entre deux files, obligeant à se rabattre d’urgence sur le bas-côté, je suis surpris de ne pas en avoir vu plus.
Malgré ma forte envie d’arriver vite pour repartir encore plus vite, je lève un peu le pied et redouble de vigilance. Nous sommes partis un peu après Bob et avec la voiture puissante que la production nous a louée, je pourrais être tenté d’appuyer un peu trop, d’autant plus que nous ne transportons plus une bonne partie du matériel.
Attention, ce chapitre contient des images susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes, de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des moins de 12 ans.
En conséquence, veuillez activer le contrôle parental de votre ordinateur.
Ça tombe bien, aujourd’hui nous avons tous les enfants du tournage, les soldats et les républicains, dont la petite Sarah, six ans, le jeune Bruno, à peine huit ans, Maurice, onze ans. Le spectacle qu’on leur impose est pour le moins choquant.
La République des enfants – Seul
Non, cet hôpital des riches n’est pas celui où nous tournons actuellement !
Il faut l’avouer, quand la régie s’occupe de vous, ça ne traine pas et je dois reconnaitre qu’ils ont été particulièrement efficaces, attentifs et dévoués !
La production a été mise au courant de mes ennuis de santé, fièvre, vertiges, ganglions à l’aine.
Je ne suis pas seul dans cet état sur le plateau, Angela, Patrick, Guilherme, Silene, il semble qu’un certain nombre d’entre-nous aient été piqués par des tiques, probablement dans le décor de la menuiserie, et que nous ayons possiblement contracté la maladie de Lyme.
Ce matin donc, à l’occasion d’un changement de plan, Yardena m’accompagne dans un bureau exigu muni d’une simple petite table et d’une chaise en métal rouillé, consulter un médecin de l’hôpital psychiatrique d’Infulene. Un premier test rapide de la malaria, on vous pique le doigt, on met la goutte de sang sur une plaquette qui réagit au bout de trente minutes, se révèle négatif. Tant mieux. Mais ce psychiatre m’avoue lui-même, par traduction interposée de Yardena, ne pas être spécialiste des soins et préfère m’envoyer consulter le service de santé de l’hôpital.
La République des enfants – Trois
Chez le dentiste, chez votre médecin ou même à l’hôpital, les salles d’attente sont des lieux où par nature on s’embête.
Heureusement, il y a toujours un journal qui traîne pour faire passer le temps, un Paris-Match, un Gala ou un Voici, ces journaux de voyeur qu’il ne vous viendrait jamais à l’idée d’acheter en temps ordinaire, ou mieux un Okapi voire un Journal de Mickey qui vous replonge dans votre tendre enfance.
Mais aujourd’hui, là, dans cette salle d’attente du bloc Acácias de l’hôpital psychiatrique de Infulene, banlieue de Maputo, Mozambique, il n’y a rien.
Mais alors rien qui puisse vous donner envie d’y rester, pas même un vieil exemplaire du Monde qui eût comblé de joie Pierre !
La nuit porte conseil.
Le dernier plan de la journée d’hier est à refaire, les quatre prises de la veille iront directement dans le Bin Trash de Final Cut Pro. Nous allons donc faire ce plan autrement, selon l’idée de Flora.
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